L'hydrogène sera-t-il le carburant vert de l'avenir ?

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Le passage aux énergies renouvelables a commencé et l’hydrogène pourrait devenir le carburant de l’avenir. Investir dans l’hydrogène est-il donc une bonne idée ? Nous avons posé la question à Bart Abeloos de Crelan et à Katrien Pottie d’Amundi.

La course à la transition verte semble s’accélérer en ce moment. Pourquoi ?

KATRIEN POTTIE : « Le dernier rapport du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, indique que le budget carbone résiduel pour limiter le réchauffement climatique à + 1,5°C est d’environ 400 gigatonnes de CO21, ce qui représente à peu près l’équivalent de 10 années supplémentaires d’émissions de carbone2. Cela veut dire qu’il est grand temps d’agir. Nous devons réduire notre production de CO2 dès maintenant et cela implique investir dans les énergies renouvelables. »

BART ABELOOS : « Nous sommes maintenant dans une phase d’adoption rapide. De nombreux pays se sont engagés à devenir neutres en carbone d’ici 2050, comme le prévoit l’Accord de Paris sur le climat. En outre, la guerre en Ukraine ajoute une nouvelle urgence : l’Union européenne veut accélérer l’abandon de la forte dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes. »

Quel rôle l’hydrogène peut-il jouer dans ce domaine ?

BART ABELOOS : « L’hydrogène présente plusieurs avantages. Tout d’abord, sa rentabilité. Lors de la combustion, 1 kg d’hydrogène libère quatre fois plus d’énergie que 1 kg de gasoil. Mais tout comme l’électricité, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais plutôt un vecteur d’énergie. En d’autres termes, on peut transformer toute source d’énergie primaire en hydrogène pour ensuite l’utiliser. Par conséquent, l’hydrogène a une longue liste d’applications possibles. On peut l’utiliser sous forme de piles à combustible pour alimenter des véhicules électriques, par exemple, mais aussi pour fournir de l’énergie dans des endroits éloignés du réseau électrique.

Les énergies éolienne et solaire présentent un inconvénient majeur : leur production n’est pas constante et dépend des conditions météorologiques. Si le temps est nuageux ou sans vent, il y a un risque de pénurie d’énergie. Inversement, s’il y a beaucoup de soleil ou de vent, il peut y avoir une surproduction qui sera perdue. Il n’existe pas encore de technologie efficace pour stocker un excédent d’énergie à grande échelle. Les batteries sont trop chères et ont une capacité limitée. L’hydrogène peut offrir une solution. En utilisant le surplus d’énergie solaire ou éolienne pour produire de l’hydrogène, on peut stocker de l’électricité qui n’est pas consommée immédiatement. »

KATRIEN POTTIE : « Il y a encore d’autres avantages : seule l’eau est libérée lors de la combustion de l’hydrogène. Et la rapidité d’utilisation est également un avantage. Alors que la recharge d’une batterie de véhicule électrique prend plusieurs heures, un réservoir d’hydrogène peut être rempli en quelques minutes seulement. »

L’hydrogène n’offrirait donc que des avantages ?

POTTIE : « Si seulement c’était vrai… L’hydrogène est un vecteur d’énergie et son caractère « vert » dépend des processus de production. Actuellement, pour des raisons d’infrastructure et de frais, plus de 95 % de l’hydrogène provient encore des combustibles fossiles. En effet, la production d’hydrogène propre et à faible teneur en carbone nécessite d’énormes investissements dans les infrastructures. Cela demandera un investissement entre 180 et 470 milliards d’euros pour que l’hydrogène vert puisse représenter 13-14 % du mix énergétique en Europe d’ici 20503. Heureusement, il y a d’autres endroits dans le monde où la production d’hydrogène vert (grâce à l’énergie solaire abondante) est moins onéreuse et plus facile. Ce n’est pas pour rien que l’Arabie-Saoudite compte devenir le premier producteur d’hydrogène, grâce au soleil et au vent perpétuels des terres saoudiennes. »

ABELOOS : « Le transport et le stockage sécurisé sont encore un problème pour le moment. Comme la molécule d’hydrogène est toute petite, elle peut s’échapper plus facilement. Et une fois dans l’atmosphère, selon certains scientifiques4, elle devient un puissant gaz à effet de serre car, indirectement, elle va prolonger la durée de vie du méthane. L’hydrogène est aussi très inflammable, environ 10 fois plus que le gaz. »

En tant qu’investisseur, faut-il croire en l’hydrogène et investir ?

POTTIE : « Marc Carney, l’économiste qui a joué un rôle clé dans le sommet sur le climat COP26, a dit dans le podcast Reith Lectures : « Le défi du passage de nos économies à ‘Net Zero’ est une énorme opportunité et c’est une opportunité qui devra impliquer chaque entreprise dans chaque pays.  » La transition verte n’est pas uniquement positive pour la planète, elle représente aussi une énorme opportunité pour l’investisseur. Néanmoins, le mot transition suscite aussi des incertitudes : nul ne sait quelle sera l’énergie la plus utilisée dans 15 ans. »

ABELOOS :  « C’est vrai. La transition énergétique est encore en pleine évolution et personne ne connaît les « gagnants » à l’avance. Plutôt que de se concentrer sur une seule forme d’énergie, nous préférons, chez Crelan, envisager les opportunités d’un point de vue plus large. Concrètement, nous reconnaissons quelques secteurs qui bénéficieront de la transition : l’électricité, les transports, la construction et ce que nous pourrions appeler l’ensemble des secteurs « durs à abattre » mais très polluants (l’aviation, le transport maritime, la chimie, etc.). Il y a encore beaucoup de potentiel d’amélioration dans ces domaines. »

Pourriez-vous développer un peu plus ce sujet ?

ABELOOS : « Au lieu d’investir uniquement dans l’hydrogène, on pourrait investir dans toute la chaîne de valeur des énergies propres et renouvelables : producteurs de panneaux solaires ou d’éoliennes ou encore d’équipements géothermiques et hydroélectriques, mais aussi dans les producteurs d’onduleurs et les distributeurs d’énergie avec un solide business model. Dans le secteur du transport, la transition passera peut-être par l’hydrogène, mais aussi par les véhicules électriques. Nous avons vu la hausse du cours en bourse du constructeur Tesla, mais une part accrue de voitures électriques entraînera aussi des dépenses plus élevées en infrastructures de réseau. Cela engendrera à son tour une forte demande d’onduleurs et de microcontrôleurs. Les services publics et les entreprises technologiques profiteront de cette tendance vers le transport électrique. »

POTTIE : « Il y a aussi toute la chaîne d’approvisionnement des batteries qui devrait profiter de la transition : les producteurs de batteries bien sûr mais aussi les producteurs de semi-conducteurs, les fournisseurs d’électronique de puissance… et les entreprises qui vont recycler tout cela. »

Quelle conclusion pouvons-nous tirer ?

ABELOOS : « Peut-être serait-il sage de conclure par les mots attribués à Friedensreich Hundertwasser :  » Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité.  » Dans tous les cas, lorsque l’on voit le nombre d’opportunités liées à la transition énergétique, ce n’est pas une personne mais bien toute une société qui s’est mise en marche. »

Tenté(e) d’investir ? Cet article examine en quoi l’hydrogène pourrait se révéler intéressant pour l’investisseur. Mais … l’eau potable le serait-elle également ? Découvrez ici en quoi l’eau pourrait se révéler un investissement intelligent.

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  1. Source : GIEC Scénario avec une probabilité de 67% – 500 GtCO2 avec une probabilité de 50%
  2. Source GIEC, date de départ 2010
  3. Source : Commission européenne
  4. Selon le groupe d’experts du Environmental Defense Fund aux États-Unis

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