Achat scindé : planifier judicieusement l’avenir

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En Belgique, des milliers d’actes sont passés chaque année pour permettre l’acquisition de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien simultanément par plusieurs personnes physiques. Ce que l’on appelle l’achat scindé constitue l’une des techniques les plus populaires de planification patrimoniale en Belgique. De quoi s’agit-il précisément ? Pourquoi est-ce intéressant et de quoi faut-il tenir compte ? 

Qu’est-ce qu’un achat scindé ?

Lors d’un achat scindé, les parents et les enfants achètent ensemble un bien immobilier : les parents achètent l’usufruit et les enfants la nue-propriété.

  • Usufruit : il donne aux parents le droit d’occuper le bien ou de le mettre en location et d’en percevoir les revenus locatifs.
  • Nue-propriété : les enfants deviennent officiellement copropriétaires, mais ne pourront disposer pleinement du bien qu’à l’extinction de l’usufruit (au décès des parents). Dans de nombreux cas, les parents préfèrent anticiper et offrir à leurs enfants la somme nécessaire pour acquérir la nue-propriété, que ce soit par une donation enregistrée ou un don bancaire.

Concrètement, cela signifie que les parents, en tant qu’usufruitiers, conservent à vie l’usufruit (les « fruits ») de la propriété immobilière acquise. Ils peuvent y résider ou percevoir les loyers éventuels.

De leur côté, les enfants deviendront pleinement propriétaires du bien (hors succession) au moment du décès du parent survivant.

Pourquoi opter pour un achat scindé ?

Cette méthode est souvent utilisée pour transmettre une partie du patrimoine familial de manière fiscalement avantageuse. Quelques avantages :

  1. Économies sur les droits de succession
    Étant donné que les enfants possèdent déjà la nue-propriété, l’usufruit se transforme automatiquement en pleine propriété au décès des parents. Les héritiers ne doivent alors pas payer de droits de succession sur la valeur du bien immobilier au décès des parents.
  2. Maintien du contrôle
    Les parents peuvent continuer à utiliser ou à mettre en location le bien immobilier aussi longtemps qu’ils sont en vie. Ils conservent ainsi leur indépendance et bénéficient d’un revenu supplémentaire si le bien est mis en location.
  3. Répartition du patrimoine
    Un achat scindé permet aux parents de transmettre une partie de leur patrimoine à leurs enfants, sans avoir à payer de droits de donation dans l’immédiat.

À quoi faut-il faire attention lors d’un achat scindé ?

Les héritiers (nus-propriétaires) doivent pouvoir prouver qu’il n’y a pas eu d’« avantage déguisé » lors de l’achat du bien. En effet, d’un point de vue fiscal, il existe une présomption légale que le bien qui fait l’objet d’un achat scindé fait toujours partie du patrimoine de l’usufruitier (= les parents). Si les nus-propriétaires peuvent démontrer que ce n’est pas le cas, aucun droit de succession ne sera dû sur le bien.

Dans la pratique, les 2 scénarios ci-dessous sont les plus courants :

  1. Les futurs nus-propriétaires disposent des fonds nécessaires pour financer leur part de l’achat scindé
    Ils doivent être en mesure de démontrer qu’il n’est pas question d’un avantage déguisé. C’est la seule façon d’éviter les droits de succession.
  2. Les futurs nus-propriétaires ne disposent pas des fonds nécessaires pour financer leur part de l’achat scindé 
    Les usufruitiers peuvent faire une donation, au préalable, pour leur fournir ces fonds. Toutefois, les nus-propriétaires doivent pouvoir démontrer que la donation respectait les conditions requises au moment du décès de l’usufruitier survivant :
    • la donation qu’ils ont reçue a été faite par un acte notarié ou par don bancaire (sans enregistrement) ;
    • la donation a eu lieu avant l’achat (signature du compromis) du bien immobilier ;
    • chaque partie a payé sa part du prix d’achat. Il est également important que l’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété soit effectuée correctement, afin que chaque partie paie la juste part du prix d’achat.

Bon à savoir : ces preuves devront souvent être fournies des années après l’achat scindé. Il faut donc bien documenter les différents éléments de l’achat et conserver tous ces documents. Cela s’applique également si le bien immobilier est revendu plus tard et que les revenus sont réinvestis.

Vous devez également tenir compte des réglementations spécifiques de la région dans laquelle l’achat a eu lieu.

Un achat scindé convient-il à votre situation ?

L’intérêt de cette stratégie dépend de votre situation personnelle. Cette approche est couramment utilisée en planification successorale, mais elle doit être correctement mise en œuvre pour éviter des problèmes fiscaux et juridiques.

Vous voulez savoir si un achat scindé convient à votre situation ? Votre agent vous aidera avec plaisir !

Un exemple chiffré d’achat scindé

Jean et Sophie, en couple et ayant tous deux 60 ans, souhaitent acheter un appartement comme investissement, avec leur fils Tom (30 ans).

  • Prix d’achat de l’appartement : 400 000 euros ;
  • Répartition entre usufruit et nue-propriété : en fonction de l’âge des parents.

Comme indiqué plus haut, il est essentiel d’évaluer correctement la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété. Il existe plusieurs méthodes d’évaluation, mais en règle générale, plus l’usufruitier est âgé, moins la valeur de l’usufruit est importante.

Selon la méthode d’évaluation du Code civil, la part d’un usufruitier âgé de 60 ans est de 46,41 % de la valeur totale.

Clé de répartition

  • Jean et Sophie (parents) achètent l’usufruit : 46,41 % de 400 000 euros = 185 640 euros ;
  • Tom (fils) achète la nue-propriété : 53,59 % de 400 000 euros = 214 360 euros.

Financement

  • Jean et Sophie paient leur part (185 640 euros) avec leurs économies ;
  • Tom finance la sienne (214 360 euros) sur fonds propres ou via un prêt. Si les parents font une donation en sa faveur au préalable, elle doit se faire correctement et être documentée pour éviter les problèmes fiscaux.

Que se passe-t-il lors du décès des parents ?

Au décès de Jean et Sophie, l’usufruit s’éteint automatiquement et Tom devient plein propriétaire de l’appartement, sans avoir à payer de droits de succession sur la valeur de celui-ci.

Cela peut représenter une économie significative :

  • supposons que l’appartement vaille alors 500 000 euros ;
  • si Tom héritait de l’appartement, il devrait payer des droits de succession (3 %-30% selon la valeur et la région) ;
  • l’achat scindé permet d’éviter totalement ces droits de succession ;
  • si Jean et Sophie ont fait une donation à Tom pour l’achat de la nue-propriété, des droits de succession peuvent encore être dus si aucun droit de donation n’a été payé et si Jean et/ou Sophie décèdent dans la période suspecte.

Disclaimer : Les informations contenues dans cette publication constituent un commentaire général sur la situation financière actuelle et ne doivent pas être considérées comme un conseil ou une recommandation concrète en matière de produits financiers.